L'entrainement était terminé. Owain inspira une grande bouffée d'air et d'un coup, ses larges épaules de chevalier s'affaissèrent de tout leur poids. Le jeune homme retira son casque qui tinta contre son armure et secoua, tel les chiens errants de la ville un jour de pluie, sa chevelure dorée par le soleil de cette fin de matinée. La journée promettait d'être belle et ensoleillée. Owain leva les yeux au ciel, bleu comme il ne l'avait été depuis plusieurs jours. Il offrit un long moment son visage aux rayons chauffants qui surmontaient les murailles défensives de Camelot en pensant à ce qu'allait être sa journée. Il irait, dans un premier temps, changer d'accoutrement en prenant une bonne douche. Toutefois, Owain redoutait de croiser sa mère. Bien entendu, c'était une chose impossible que de l'éviter : elle était sa mère et ils vivaient sous le même toit. Celle-ci semblait étrangement excitée ces derniers temps. Elle qui était d'ordinaire si calme ne cessait de bavarder et de rire, elle faisait même des farces ! C'était si inattendu de la voir si joyeuse que sir Lashon, son époux, la prenait pour folle et ignorait son attitude enfantine. Owain, lui, s'en amusait jusqu'à ce que, la veille, elle n'évoque Celywaine. Celywaine, la jolie fille d'une servante de la famille avec laquelle Owain avait été éduqué. Leur amitié était ancienne et ne cessait d'évoluer au fil des ans seulement, récemment, la jeune femme avait découvert certains secrets qui auraient dû restés enfouis à jamais, tout du moins à ses yeux. La vérité avait éclaté au visage de cette jolie roturière et Owain ne cessait de s'en vouloir. Malgré tout, la situation était cocasse car le fait est que si Owain aurait préféré cacher ses aptitudes de druide à Celywaine, il aurait refusé de la laisser aux mains de ses deux brigands bien connus dans la cité. Bien que son action n'ait pas joué en sa faveur, Owain ne regrettait en aucun cas d'avoir secouru sa jolie petite copine d'enfance.
Toutefois, il ne cessait de se demander d'où venait cet intérêt soudain de sa mère pour sa relation avec la jeune Celywaine. C'était intriguant et ce sujet de conversation mettait Owain mal à l'aise. Bien qu'il fut proche de sa mère, il n'avait jamais vraiment abordé de sujet sensible avec elle, si ce n'est sa nature de druide. Jamais Owain n'avait parlé de ses sentiments à sa mère ni même des femmes qu'il pourrait courtiser. Ce n'était pas parce qu'il était mal à l'aise mais plutôt parce que ce sujet de conversation n'avait jamais été évoqué. Owain n'étant pas quelqu'un de particulièrement bavard, il ne s'étendait pas devant sa mère et gardait ses problèmes pour lui. Ainsi il n'avait pas dit un mot à sa mère concernant ses relations avec Celywaine, qui s'étaient incroyablement dégradées. C'était d'autant plus étrange que lady Lashon n'avait pas pour habitude de se mêler des affaires de son fils, le considérant assez grand et mature pour gérer sa vie seule. Désormais, elle ne cessait de questionner son fils unique : avait-il croisé Celywaine aujourd'hui ? Lui avait-il parlé ? En avait-il l'intention ? Quels étaient ses projets avec la jeune femme ? À tel point qu'Owain commençait à ne plus supporter sa mère et son état psychologique actuel.

L'estomac du jeune homme émit un bruit sonore qui lui annonça une grande faim. Owain soupira à l'idée de devoir rentrer et supporter sa mère. C'était surtout très embarrassant de devoir lui dire que Celywaine ne voulait plus lui parler, qu'elle avait désormais extrêmement peur de le croiser et qu'ainsi, il était mieux qu'il la laisse tranquille jusqu'à ce qu'elle ne change d'avis. Avouer à sa mère que Celywaine connaissait désormais son secret, à savoir ses origines et son héritage de druide, était une mauvaise idée, Owain en était convaincu. Il connaissait très bien la femme qui l'avait mis au monde et éduqué et il pouvait prévoir ses réactions. Il savait qu'en le lui disant, elle redoublerait de vigilance et deviendrait totalement folle à l'idée que ce secret ne fasse surface. Il était normal qu'une mère s'inquiète pour son fils, c'est ce que lady Lashon faisait lorsque son petit Owain partait en guerre avec le reste des chevaliers de Camelot, toutefois, lorsque l'on abordait le sujet "druide" elle aurait été capable d'en perdre la tête. C'était un sujet on ne peut plus sensible qui effrayait Owain à cause des réactions de sa mère. Il avait appris à vivre avec ses pouvoirs et savait les utiliser à bon escient mais il n'en parlait pas avec sa mère, encore moins fréquemment que d'autres sujets tels que son rôle de chevalier ou les jeunes femmes susceptibles de lui plaire au sein de Camelot.
Une nouvelle fois, l'estomac du jeune chevalier se mit à gronder et alors, Owain su qu'il était temps de rentrer. Il prit le chemin du château en marchant lourdement à cause de son armure. Elle avait beau être très pesante, ce qui l'avait surpris la première fois, désormais, il savait s'en accommoder. Il soupira encore une fois bruyamment et traina des pieds. Alors qu'il traversait la cour du château, beaucoup moins côtoyée en cette heure de repas, il longea les murs à la recherche d'un peu d'ombre. Le soleil était à son zénith et l'acier de son armure lui donnait extrêmement chaud. Il sentit la chaleur s'amplifier à travers sa robe de fer. Alors qu'il passait la main sur son front légèrement humide, il aperçut au loin une silhouette. Sa silhouette. Il la connaissait et il l'aurait reconnu parmi des milliers d'autres, Celywaine. Elle lui tournait le dos et il aurait été si facile de la surprendre s'il n'y avait pas eu cette armure de malheur. Il savait que c'était certainement sa dernière chance de lui parler parce qu'après cela, elle serait constamment sur ses gardes et l'éviterait sans cesse. Il fallait qu'il essaye une dernière fois. Il prit une inspiration, ferma les yeux en priant pour qu'il ressorte vivant de cette conversation et s'élança le plus discrètement qu'il soit pour la rejoindre. Il savait qu'au moindre mouvement brusque, elle l'entendrait et accélérerait sûrement son pas pour ne pas avoir à l'affronter.

Il parvint à faire la moitié du chemin sans encombres. Elle n'était plus qu'à quelques mètres et semblait concentrée sur une tâche qu'Owain ne percevait pas. Par miracle, Owain ne s'était pas encore fait repéré et était beaucoup plus loin qu'il ne s'en imaginait capable. Plusieurs formulations lui venaient à l'esprit mais il devait rester concentré pour ne pas échouer dans son approche. Il fut bientôt assez prêt pour qu'elle puisse l'entendre à la moindre de ses paroles mais il garda le silence. Il préféra prendre une posture apparemment détendue et s'approcher d'elle comme si de rien n'était. C'est ce qu'il fit. Son armure tinta et aussitôt, Celywaine se retourna surprise. Owain tenta de paraître le plus à l'aise possible mais su parfaitement que ça ne changerait rien à la situation lorsqu'elle leva les yeux vers lui.

« Celywaine, laisse-moi une chance de m'expliquer, je t'en prie. »